Depuis quelques semaines, les signalements de clowns effrayants se multiplient en France. Les plaisantins grimés et déguisés, parfois munis de fausses armes ou même de tronçonneuse s’amusent à faire peur aux passants. Simple blague ou réelle intention de nuire? La psychoclinicienne, Yvonne Poncet- Bonissol, auteur du livre “Ces peurs et phobies qui nous paralysent“ décrypte ce phénomène inquiétant.
“Si je croise un clown, je compose le 17“, c'est le message envoyé par la police à tous ses twittos pour se protéger contre le phénomène.
La mode des clowns agressifs en pleine rue est née aux Etats-Unis et s’est largement inspirée des vidéos de
DM Pranks, dans lesquelles un clown tueur terrorise ses victimes en caméra cachée. Comme n’importe quel sujet insolite, celui-ci est arrivé en France grâce à Internet et aux réseaux sociaux qui ont permis au phénomène de se propager comme une traînée de poudre. Jusqu’alors sans gravité, le gag s’est transformé en faits divers graves le week-end dernier dans l’Hérault. Un passant a été tabassé avec une barre de fer par un homme déguisé en clown1. Sur son compte Twitter, la police nationale invite même les passants à composer le 17 s’ils croisent un de ces “clowns maléfiques“.Doctissimo : Qu’est-ce qui peut motiver ces gens à se déguiser en clown pour effrayer les passants dans la rue ?Yvonne Poncet-Bonissol, psychoclinicienne : Tout d’abord, ils endossent le costume de clown car celui-ci leur permet d’être masqué et d’agir ainsi au nom de l’anonymat. Comme ils ne sont pas reconnaissables, ils se permettent un peu tout et n’importe quoi. Ce sont des gens qui ressentent une forme de jouissance lorsqu’ils voient d’autres personnes terrorisées. Ce pouvoir que leur confère le costume de clown est très stimulant pour eux. Pour les “farceurs“ munis d’une tronçonneuse, cet objet n’est pas anodin. La tronçonneuse nous fait penser à l’acte de “couper des têtes“ aperçus dans des films célèbres. C’est en fait la mise en scène et le passage du virtuel au réel, qui est excitant.Doctissimo : Comment un personnage comme le clown, qui à l’origine est drôle et sympathique, est-il devenu un personnage effrayant ?Yvonne Poncet-Bonissol : La phobie des clowns existe vraiment, c’est la coulrophobie. Comme toute grande phobie, elle tient son origine de la peur de l’agression et de la mort. Chez les jeunes enfants, le maquillage poussé, les lèvres rouges et le teint pâle peuvent être effrayants. Tous ces éléments peuvent leur rappeler les vampires, le sang, la violence… Cette peur survient souvent chez des enfants déjà anxieux. Chez les adultes, comme chez les enfants, la phobie des clowns est également liée à la peur de l’inconnu et de l’imprévisible. Le masque ou le maquillage à outrance empêchent la personne de voir qui se cache derrière le clown. Aussi, le clown est un personnage imprévisible, on ne sait jamais ce qu’il cache sous ses vêtements et ce qu’il s’apprête à faire. Alors avec ce phénomène de clowns plus ou moins armés, les passants craignent toujours le pire.Doctissimo : Les films et les séries dans lesquels le clown a le rôle du méchant, peuvent aussi inspirer les plaisantins…Yvonne Poncet-Bonissol : Evidemment. Aujourd’hui, de nombreux faits divers qui finissent mal, s’inspirent malheureusement de jeux vidéo ou de films et de séries violents. L’histoire des clowns ne déroge pas à la règle. Passer du virtuel au réel motive les agresseurs. Ces personnes ont l’impression d’avoir le rôle principal, qu’il soit mauvais ou bon, d’un film ou d’une série à succès. Ils sont les stars de leur propre film, le temps d’une blague.Doctissimo : Comment ce phénomène viral né sur les réseaux sociaux a-t-il réussi à se répandre aussi vite ?Yvonne Poncet-Bonissol : Ce n’est un secret pour personne, les nouvelles vont très vite sur Internet, surtout sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Cette contamination touche particulièrement les personnes qui peuvent ressentir un vide existentiel, qui se sentent effacés dans la société. En passant à l’acte, ils savent qu’ils vont faire le buzz, que l’on va parler d’eux. Ils ont l’impression d’être enfin reconnus. Je pense que pour la plupart de ces clowns “farceurs“, l’objectif est de faire peur sans avoir l’intention de nuire ou de blesser.Doctissimo : Ce phénomène ne risque-t-il pas d’attiser la violence dans les rues ? Certaines personnes, en réponse à ces blagues, vont vouloir se défendre en employant la violence ou mêmes les armes…Yvonne Poncet-Bonissol : Il y a un risque en effet. Il faut savoir que, face à un clown, qui plus est effrayant, les coulrophobes peuvent réagir de deux façons : soit ils sont tétanisés et ne peuvent absolument plus bouger, soit ils répondent par l’agression. Une situation qui au départ devait être une mauvaise blague peut vite mal tourner. Chez des personnalités affirmées, la réponse à ces clowns peut être violente et collective2. Elles vont se mettre à la recherche des clowns terrorisants, pour les attaquer. C’est donc un phénomène à surveiller.Propos recueillis par Annabelle Iglesias, le 28 octobre 20141 – “Montpellier : un homme agressé à la barre de fer par un clown méchant“ – Midi-Libre – 26 octobre 2014 – (
accessible en ligne)2 – À Bordeaux et Mérignac, les policiers de la Sécurité Publique ont interpellé 4 adolescents qui cherchaient à en découdre avec des clowns suite à la diffusion de ce phénomène sur les réseaux sociaux. (
Facebook de la Police Nationale). Ci-dessous le tweet de la police nationale sur ce phénomène.Click Here: United Kingdom Rugby Jerseys